Bienvenue dans le monde de l'Open Banking
Retour sur la table ronde organisée par le pôle Finance Innovation et la Place Fintech “Comment l'Open Banking a permis la multiplication des cas d'usages en BNPL et credit scoring”. 6 experts, dont Nima Karimi (CEO de Silvr), se sont rassemblés pour évoquer ces nouvelles opportunités de financement B2B et B2C comme le RBF ou le BNPL grâce à un credit scoring performant qui diminue les risques. On vous explique tout ici.
Depuis maintenant plusieurs années, l’Open Banking est sur toutes les lèvres. Mais qu’est-ce qui se cache derrière cette notion ? Quels usages cette évolution a-t-elle rendu possibles, en particulier en matière d’octroi de crédit et de paiement fractionné (“Buy Now Pay Later”) ? En B2B, quels sont les bénéfices pour les entreprises ? Six experts du secteur sont venus décortiquer les enjeux de ces nouvelles techniques de credit scoring lors d’une table ronde organisée par le pôle Finance Innovation et la Place Fintech, le 10 mars dernier. Son intitulé ? “Comment l'Open Banking a permis la multiplication des cas d'usages en BNPL et credit scoring”. Retrouvez l'intégralité de cette rencontre ici.
Apparu en Europe en janvier 2018, à la suite de la mise en application de la DSP2 (Directive sur les Services de Paiement), l’Open Banking fait référence à un système bancaire “ouvert”, dans lequel les utilisateurs, qu’ils soient des particuliers ou des entreprises, peuvent autoriser des acteurs financiers (banques ou autres fournisseurs de services financiers) à avoir accès aux données sur leurs actifs et leurs opérations financières.
D’un point de vue technique, un tel phénomène est rendu possible grâce aux API (interface de programmation applicative), ces interfaces qui permettent à des développeurs de logiciels et systèmes informatiques tiers de créer des applications et des services autour des institutions financières.
De nombreuses fintech ont construit leur proposition de valeur sur l’Open Banking : on pense évidemment aux agrégateurs de comptes bancaires, mais aussi à tous les acteurs dits “BaaS” (“Banking-as-a-Service”), qui permettent à des acteurs non bancaires d’intégrer à leurs produits des services bancaires complets.
En matière de credit scoring plus particulièrement, l’Open Banking a permis l’apparition de cas d’usages intéressants en matière de financement, en B2C comme en B2B.
Pour Algoan, fintech française qui a mis au point une technique inédite de credit scoring basée sur l’Open Banking, l’analyse “offre des performances révolutionnaires” en matière de crédit à la consommation. Chiffres à l’appui : en prenant le même risque qu’avec une méthode classique de credit scoring, on fournit du crédit à 40 % de consommateurs en plus. Et si on fixe le nombre de personnes à qui on souhaite distribuer du crédit, alors on diminue le risque de 50 % grâce aux techniques de scoring basées sur l’Open Banking.
Il existe évidemment une contrepartie à ce nouveau type de services : le consentement de l’utilisateur à donner accès à ses informations bancaires. “L’accès à un service comme celui d’Algoan requiert nécessairement l’accès à vos informations”, ainsi que l’explicite Mohsen Dajani, Head of Sales France & Belgium chez Yapily.
Une contrepartie qui ne semble pas freiner les consommateurs, si l’on en juge par l’engouement observé à l’échelle européenne pour ces nouvelles techniques de scoring. “En Europe, les volumes de crédits basés sur l’Open Banking croissent de mois en mois, et la tendance n’est pas prête de s’arrêter”, estime le CEO d’Algoan, pour qui l’Open Banking constitue désormais un “must-have” dans l’octroi de crédit à la consommation.
Qu’en est-il du B2B ? L’Open Banking est-il autant entré dans les mœurs des entreprises que des particuliers ? De quels nouveaux usages s’accompagne-t-il ?
Interrogé par le modérateur du panel Frédéric Perrin, Senior Partner chez Exton Consulting, le CEO de Silvr, Nima Karimi, rappelle que les entreprises ont historiquement deux grandes façons de se financer.
Par la dette bancaire d’une part, et par la levée de fonds d’autre part. Malheureusement, la plupart des entreprises du digital n’ont ni l’historique ni les actifs nécessaires pour emprunter auprès des banques - alors que la levée de fonds n’est réservée qu’à une élite.
Résultat : “Des dizaines de milliers d’entrepreneurs se retrouvent sans accès aux financements dont ils auraient besoin pour accélérer leur croissance”, regrette Nima Karimi.
Que vient faire l’Open Banking là-dedans ? Ces entreprises, dont l’acquisition client et les ventes se font en ligne, produisent naturellement de la data. C’est précisément en utilisant cette donnée (dont la donnée bancaire), qu’une entreprise comme Silvr va scorer les performances de ces start-ups pour décider de leur octroyer un financement. On parle de Revenue-Based Financing (RBF), un nouveau type de financement rendu notamment possible grâce à l’Open Banking.
Pour scorer les performances d'une entreprise et sa capacité à rembourser un financement octroyé, Silvr se branche aux logiciels de la start-up et récupère la donnée sur toute leur stack technique : du trafic sur leur site web en amont, via Google Analytics, aux data bancaires en aval, en passant par les données de ventes via leur CMS, l’encaissement via les PSP (comme Stripe), ou encore les données des régies publicitaires.
“Toute cette data alimente notre plateforme de scoring, et nous permet de décider en 24 h à 48 h d’octroyer ou non un financement”, résume le CEO de Silvr. Différence de taille par rapport à un financement bancaire classique : ici, nul besoin de demander des garanties. Le Revenue-Based Financing permet de gommer les biais classiques de financement tels qu’ils peuvent être observés en VC notamment. Chez Silvr par exemple, 29 % des entreprises financées sont créées par des femmes.
L’autre avantage non négligeable du RBF, c’est que grâce à l’automatisation des opérations et à l’ajustement du scoring en continu, le refinancement de l’entreprise va être possible de manière automatique.
Comme le souligne Mohsen Dajani de Yapily, dans le schéma bancaire classique, le financeur voyait l’entreprise une seule fois, au moment de l’octroi du crédit. S’il la revoyait ensuite, c’était mauvais signe. “Grâce à l’Open Banking au contraire, on est connecté en permanence à la start-up, et ce pendant toute la durée de vie du financement, ce qui s’accompagne de multiples bénéfices : par exemple, le fait de pouvoir ajuster les plafonds ou les modalités de remboursement”.
Pour Florian Bardy, Senior Innovation Strategist chez AREA 42, l’un des problèmes rencontrés par les organismes de crédit, notamment en B2B, tient au fait que la photographie des états financiers de l’entreprise qu’analyse le banquier correspond à la situation de cette dernière 12 mois auparavant.
En ce sens, l’Open Banking peut lui être utile en complément - mais n’a pas vocation à remplacer les techniques traditionnelles de scoring. Car l’Open Banking comporte aussi des limites : notamment le manque d’historique suffisant (accès aux transactions des 90 derniers jours).
Thomas Nokin, fondateur de la solution d’orchestration de crédit Basikon, ajoute sa pierre à l’édifice. Pour lui, l’Open Banking s’ajouterait à un processus qui existe depuis des années, mais permettrait de rassurer les acteurs qui octroient les financements - que ce soit d’ailleurs en B2B ou en B2C.
En B2C comme en B2B, il apparaît que les utilisateurs (consommateurs ou entreprises) sont beaucoup plus enclins qu’on ne pourrait le penser à partager leurs données bancaires avec des tiers. C’est précisément sur ce paradigme que fleurit l’Open Banking. En échange, les acteurs du financement (crédit à la consommation, BNPL ou RBF) leur promettent des bénéfices clairs. Comme le résume Nima Karimi, l’approche 100 % data-based permet à la fois de réduire le risque et de couper les biais classiques dans l’octroi de crédit. Un argument de plus en faveur de l’Open Banking ?
Publié en
03/2022